Peut être plus proches des musiciens populaires : les ménétriers

Peut être plus proches des musiciens populaires : les ménétriers
Au XIIIe siècle, le mot ménétrier désigne les joueurs d’instruments. À cette époque-là, ils côtoient les jongleurs. Mais dès le XIVe siècle c'est l’affrontement entre ces deux catégories d’artistes. Les ménétriers ont su s’imposer éliminant progressivement le mot jongleur de la terminologie des musiciens. Ce sont d’ailleurs des musiciens jongleurs qui ont mené cette lutte impitoyable pour sortir de l’errance propre à ce milieu. Ils ont cherché la sécurité de l’emploi, donc des revenus, mais aussi d’une certaine stabilité familiale. Les ménétriers se sont rapprochés des cours, jusqu’à y être intégrés au personnel. Cette nouvelle condition leur a fourni une appellation : « ménestrels » ou « ménestriers ». Ces mots tirent leur origine du latin ministri, pluriel de minister, officier.
 
« Ces ménétriers sont entrés au service de riches particuliers, de seigneurs et peut-être déjà de la ville. Ils ne se contentent plus de jouer sur les places et les carrefours ou dans les intérieurs privés, résume Luc Charles-Dominique, ils ont en charge, désormais, poursuit-il, l’animation de la danse et des réjouissances publiques, dont certaines sont peut-être déjà commandées et organisées par les autorités municipales ».
 
Ce choix social, au XIVe siècle, se traduit par une réelle sédentarisation des ménétriers. Ils deviennent des citoyens. L’organisation professionnelle corporative les attire. Les premières confréries ménétrières sont créées à partir du XIVe siècle, d’abord à Paris, puis en 1461, à Amiens, 1560 à Orléans, 1614, à Abbeville et Bordeaux… si bien qu’au début du XVIIIe siècle la plupart des grandes villes en sont dotées.
 
Ces confréries sont administrées par un roi qui a ses lieutenants à la tête d’une confrérie locale. Chaque organisation est toute puissante. Elle définit les conditions de l’apprentissage et l’obtention de la maîtrise. Pour devenir maître, l’apprenti doit verser une caution et prêter serment.
 
Au XVIe siècle, les ménétriers monopolisent toute pratique instrumentale profane. à cette époque, hormis ceux qui assurent les services de la Chapelle royale, ceux de quelques cathédrales ou Corps d’armées, ils exercent des activités publiques rémunérées. « Le ménétrier n’est pas alors un musicien parmi tant d’autres, précise Luc Charles-Dominique, il est vraiment le prototype du musicien universel ». Ils se produisent pour les fêtes coutumières en bande ou escole de sonneurs, sorte d’orchestre.
 
Cette puissance corporative connaît son apogée à la fin du XVIe siècle mais disparaît peu avant la Révolution. La cause en est double, à la fois les profonds bouleversements économiques, sociaux, culturels et politiques que connaît le XVIIIe siècle mais également la révolution musicale qui s’installe depuis le XVIe siècle et qui conduit au triomphe de la musique savante.
 
Avant d’aborder les conséquences de l’impact de la musique savante vis-à-vis de la musique populaire, peut-être est-il intéressant de souligner le fait que les ménétriers utilisent eux aussi, des instruments hauts, que leurs activités se situent également en haut, et qu’ils ont bien une charge de l’animation des fêtes coutumières. Sans doute est-ce en cela que leur statut les rapproche de nos musiciens populaires.
 
Jean-Pierre Bertrand
 
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