Mon père, dans sa jeunesse à Soullans, c’est Riri, parce qu’il fait rigoler. Ce fut un amuseur et sa vie durant, il a été demandé pour cette qualité mais aussi parce qu’il chantait et jouait de l’accordéon. Henri Pontoizeau est né le 4 février 1903 [décédé en 1985], de parents agriculteurs à Sainte-Anne, en Soullans. Il fut le plus jeune d’une fratrie de 8 enfants. Je me souviens qu’il disait : « à ma naissance, mon père a dit : t’chou-là, y allons le garder pour en faire un père ». Il ne croyait pas si bien dire puisque de son mariage en 1925, naîtra une belle grouée de 14 enfants dont 12 vivants.
Enfant, Henri comme les gamins paysans de cette époque-là, va garder la vache sur le bord des routes et, pour s’occuper, commence à jouer de l’accordéon (il découvre l’accordéon avec Ernest Gourreau, de Soullans). Il avait ça dans la tête ! C’est Paul Guittonneau (qui jouait de l’accordéon diatonique en portant une ceinture de grelots à la cheville), dit « Paul Dine », qui lui en apprend un peu. Adolescent, il joue en famille et pour ses voisins aux veillées.
Malheureusement pour lui qui rêvait d’un accordéon chromatique, l’activité de la ferme paternelle ne peut suffire et il fallut se résigner à travailler chez un patron. Connaissant les chevaux, il devient roulier chez Caiveau, de Saint-Hilaire-de-Riez, transportant de la pierre, mais aussi de la cendre pour les agriculteurs du bocage voisin. Les voyages le transportent jusqu’à Pouzauges où il connaîtra celle qui deviendra sa femme. Le mariage a lieu à Soullans en 1925 et l’année suivante le couple s’installe au Pied Bodard, à Saint-Jean-de-Monts, là où nous sommes encore ! [rue de La Garenne] C’est à partir de cette année-là qu’Henri, connu sous le surnom de « Riquett’ », commence une longue carrière de musicien, jouant toutes les semaines pour les noces et les dimanches pour les bals devant les deux cafés d’Orouët. À la belle saison, c’est aussi au Cadran Bleu, un dancing de la plage des Demoiselles (un certain Piveteau, habitant le quartier de la Plage des Demoiselles qui « jouait du sabot ». En réalité, il s’agit d’une sorte d’épinette dont la caisse de résonance est un sabot de bois) et chez Clénet, le dancing Le Casino, baraque sur la plage de Saint-Jean. Là il jouait avec un violoniste. En hiver, il joue chez la Traquette, une buvette du bourg.
Tous ses déplacements il les faisait à vélo, aussi lorsqu’il traversait un lieu habité, pour se faire remarquer, comme un acrobate, il jouait de l’accordéon tout en pédalant. Il fut le musicien du film La terre qui meurt, de Jean Choux, en 1926, tiré du roman de René Bazin.
Bien qu’il gagne 10 francs par jour de noce, ce n’était pas suffisant pour nourrir la douzaine de gamins. Alors, le roulier partage le reste de son temps entre les journées données à la ferme du Champ Gaillard et du roulage pour des clients d’occasion. Avec l’installation des premières colonies de vacances à partir des années 1936, il assure l’enlèvement des ordures et l’élevage, à moitié, de quatre gorets qu’il nourrit avec les déchets des cuisines des colons. Avec la guerre, il lui faut trouver un nouveau travail, mon père est embauché comme homme à tout faire chez des artisans maçons. En 1953, il devient employé de la commune et cela, jusqu’à sa retraite en 1968.
Je me souviens, nous, gamins, on attendait les retours du père parce qu’il rapportait des parts de mollet’s, le gâteau des noces, ou on comptait les pièces de monnaie qu’il gagnait des bals. Dans les fêtes de familles, il chantait en entraînant tout le monde. D’ailleurs je l’ai tellement entendu que je connais son répertoire.
Comme d’autres, le dancing musette, puis le « yé yé » ont eu raison de Riquett’ qui commençait à fatiguer dur mais il a joué à toutes les noces de ses petits-enfants, et de temps à autres pour les kermesses dont les concours de danses maraîchines, sans oublier qu’il fut le premier sonneur lors du lancement de Tap Dou Païe en fin 1969.
Hilaire Pontoizeau, son fils
aidé de Jean-Pierre Bertrand