L'auteur-compositeur maraîchin Raymond Gauvrit

L'auteur-compositeur maraîchin Raymond Gauvrit
Né le 22 février 1920, à Saint-Gervais. Il est entré au Petit Séminaire à Chavagnes-en-Paillers à 12 ans (1932 ndlr), « j’y pense tous les jours. J’éprouve même des regrets de ce temps-là ! C’était sérieux. J’ai été marqué par les chants à l’occasion des grandes fêtes. Pensez donc, quelque quatre-vingt choristes…, ces souvenirs sont gravés ». Raymond y sera formé à l’orgue et au chant durant 7 ans. Comme professeur, il se souvient, notamment, de l’abbé Louis Guerry, l’auteur du célèbre Noël maraîchin (Jésus vézit sur le coup de minuit), qui, à la fermeture du Petit séminaire de Chavagnes, a poursuivi son enseignement à l’Université catholique d’Angers.
 
Toute sa vie durant, cette connaissance et pratique de la musique marqueront son programme quotidien entre la composition musicale, les spectacles folkloriques et, comme titulaire de l’orgue, la vie paroissiale de Saint-Gervais où il joue encore en cette fin d’année 2012.
 
Au moment de la déclaration de la guerre, Raymond abandonne ses études de séminariste : « Si vous ne vous sentez pas digne, vous pouvez vous retirer ! ». Avec la déclaration de la guerre, il s’accorde un temps de réflexion mais il se réfugie en Bretagne à l’abbaye de Langonnec parce que « On a les même racines, la Vendée, la Bretagne, c’est pareil ! ».
 
Si cette installation bretonne jusqu’à la capitulation ne l’influence pas dans son intérêt pour la musique religieuse, elle lui fait prendre de la distance avec la prêtrise. Cette présence au pays où la musique traditionnelle est encore bien vivante n’a pas d’effet sur ses choix musicaux, d’ailleurs il n’a pas l’occasion de côtoyer la musique locale. Restant dans son cursus religieux ; il y fréquente d’autres musiciens également réfugiés, venant de Saverne, d’Alsace…
 
Le retour au pays, c’est en 1946, pour y retrouver une jeune fille qu’il connaît depuis son enfance et s’y marie en 1946. Tous deux créent la boutique épicerie-quincaillerie où ils résidera jusqu'à la fin de sa vie en 2014. L’enregistrement qui a permis la rédaction de cet article a été réalisé dans la grande pièce qui fut le super-market durant près de cinquante ans, à deux pas de l’église de Saint-Gervais.
 
À la question : « Pourquoi cet investissement pour le folklore ? » Réponse spontanée : « L’amour du pays, l’amour du marais, c’était ça quoi ! J’allais très souvent au marais filmer, les gens, les oiseaux, la vie quoi !… »
 
Sitôt marié, en 1947, il créé Les amis de la bourrine, groupe de quatre ou cinq personnes : « On chantait le marais costumés en Maraîchin ! » Le répertoire est en majorité constitué des premières compositions de Raymond « selon la rigueur de nos coutumes ! ».
 
Grâce à Étienne Véronneau, également de Saint-Gervais, il rencontre Gaston Dolbeau et Raymond Bouineau, « mais pas les frères Martel ». Il contribue à la collecte de Gaston Dolbeau en fournissant quelques pièces de ses compositions dont Quand y tuons le goret ma mère (EA-05468), La bonne femme Micheneau (EA-05476) dont le timbre est emprunté à Eugène Charié (1883-1960)[1] (Les veill’s dans’s et les jenn’s danses) et Dans la dorne (EA-00222).
 
L’initiative de la création du groupe folklorique Les Amis de la belle maraîchine remonte à 1956 avec la complicité de Mathurin Rousseau, qui s’affirmera jusque dans les années 2000 comme l’un des acteurs du folklore maraîchin, notamment comme compère de Clément Gauvrit dans la longue série des spectacles patoisants donnée à Saint-Hilaire-de-Riez.
 
Les pionniers sont France Pontreau, de Saint-Urbain, la sœur religieuse Julienne, institutrice, Yolande Gillot de Saint-Gervais, les jeunes gens sont Albert Mériau, René Barreau, de Saint-Gervais, les frères Bernard, de Saint-Urbain : « On répétait chez moi, avec un vieil harmonium ».
 
La rencontre avec Saint-Jean-de-Monts remonte à 1956, avec l’installation d’une épicerie saisonnière dénommée La belle Maraîchine, installée près du Petit marché couvert de la plage. Raymond tiendra cet établissement jusqu’en 1978. Il s’y vendra, notamment les disques microsillons produits par Ricordi.
 
En 1957, selon Raymond, c’est la rencontre avec Ariane Segal et l’enregistrement de chansons et de musiques qui permettront la production de deux éditions que nous présentons ici.

 
Quand y tuons le goret
 
Dans les années 1950, « Je passais dans le bourg, devant chez Olivier Barreau, qui était marchand de grain. Il y avait le goret qui était étendu sur l’échelle… ça y est ! C’est venu comme ça, en vitesse, ça a pas été long ! ». Cette pièce est passée à la postérité, même, pour beaucoup, elle fait partie du folklore maraîchin ! Plusieurs groupes musicaux l’intègrent même dans des suites de maraîchines en mentionnant que l’origine de ces pièces est inconnue. Rendons à César… Pour lui, c’est d’abord une chanson qui, il est vrai, devient facilement un air à danser la courante ou maraîchine.
 
 
Plus de 200 chansons en 60 ans
 
Raymond égrène ses « tubes » dont il reconnaît une certaine rapidité de composition : « Rose ma Rose, en une demi heure, en allant à Saint-Jean-de-Monts ! Pour les airs, je m’éloignais le plus possible des airs traditionnels ! ». Plus de 200 chansons sont ainsi nées en 60 ans d’activité musicale. Pour les textes, il ne privilégie pas le patois au français : « Le patois va bien pour les sujets paysans, les choses rigolotes… ».
 
Raymond est aussi accordéoniste. « J’ai donné mon instrument que j’aimais beaucoup à mon fils Bernard. Cet instrument m’inspirait, comme l’orgue d’ailleurs ».
 
Lors de notre visite du 5 décembre 2011, nous retrouvons Raymond au milieu de ses souvenirs. La voix s’éteint avec l’âge, mais l’œil et la mémoire sont vifs. Il nous présente ses dernières compositions, dont un noël en cours d’écriture. Il n’hésite pas à s’installer devant son clavier et nous en fait partager la trame, puis, à notre demande, engage son tube : Quand y tuons le goret ma mère.
 
Collecte : Jean-Pierre Bertrand, prise de son : Pierre-Marie Dugué, pour le Comité des Usagers d’Arexcpo, référence de l’archive conservée par EthnoDoc : 01.04.09.12.
 
Jean-Pierre Bertrand


[1] Rézeau (Pierre), La Fontaine en Patois Vendéen et autres oeuvres d’Eugène Charier (1883-1960), Edit. Société d’émulation de la Vendée. Centre vendéen de recherches historiques, n° 18, 2011.
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